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LES NUTIS DE PARIS.

Ils ont regagné bon appétit de tripotages et de sophismes. Demain, vous les reverrez à la besogne : croupiers, usuriers, doctrinaires, habiles de toutes sortes, charlatans de tout étage, plaie vivante, chancre monstrueux que Dieu irrité a infligé aux vieux jours du monde !

Et, je vous prie, ne vous étonnez pas, si je parle de ces hommes et de ces choses à propos de l’empereur romain Julien l’Apostat. Ce n’est ni un anachronisme ni une distraction.

Julien l’Apostat était un bourgeoisiste effréné ; Julien l’Apostat était un professeur, un matérialiste, un hypocrite, un tartufe, un castrat.

Ses livres, car il a fait des livres, et c’était même un écrivain de très-grand talent, ses livres ont un parfum étrange de judaïsme moderne.

Vous croiriez presque y reconnaître la fausse innocence de Jean-Jacques Rousseau, ou la mucilagineuse tendresse que distillait le citoyen Marat quand il écrivait des romans de cœur.

C’est un amant fade de la belle nature. Sa chère Lutèce, dans le Misopogon, est entourée de peupliers-épinards , ni plus ni moins qu’Ermenonville.

Julien l’Apostat est un de ces usurpateurs vertueux qui se laissent hisser sur le trône , en faisant mille grimaces de coquette laide et en versant des larmes de crocodile.

Nous sommes payés pour connaître ces sages !

Julien l’Apostat est un empereur-citoyen, un prince absolument dépouillé de préjugés ; comme talent, c’est quelque chose entre Sénèque et Benjamin Constant.

Voltaire se fût moqué de lui, mais c’eût été par jalousie.

Si Jupiter existe, si l’Être suprême de l’Encyclopédie habite vraiment l’empyrée, si le Dieu-Nature de M. Cousin est au ciel, ces trois divinités païennes auraient dû, pour être justes envers