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LES NUITS DE PARIS.

prenez garde à eux ! Nous avons entendu des bourgeois qui disaient : « On établirait dix belles usines dans le jardin des Tuileries ! »

L’usine, vous entendez ? la fabrique n’existe plus guère.

De même que le sinistre a remplacé l’ancien accident.

Non contents de faire des révolutions sans le savoir, comme M. Jourdain faisait de la prose, nos trafiquants notables nous font encore une langue qui rend inutile le Dictionnaire de l’Académie.

Ils parlent latin : ils vous disent qu’un article est extra-fin, ignorant sans doute qu’extra-fin signifie gros, tout simplement comme extraordinaire signifie rare.

Ils parleraient grec pour gagner cinq sous !

Pour gagner un franc, ils vous jetteraient tous tant que vous êtes au plus profond de la rivière !

C’est comme cela qu’on fait les bonnes maisons.

Nous avons cru, disions-nous, qu’il serait intéressant de voir Paris, ce géant qui a mis dix-huit siècles à prendre sa taille d’homme, grandir peu à peu, chronologiquement, briser dix fois ses remparts devenus trop étroits, comme nous changeons nous, les robes de l’enfance pour le vêtement viril, allonger sans cesse ses grands bras, s’assimiler toutes les bourgades voisines et former enfin la ville immense où nous sommes.

Les villes ont une biographie de même que les hommes. Il n’est pas permis de commencer une biographie par le milieu.

Suivons donc notre route tout uniment, et, traversant d’une seule enjambée quatre siècles, sur lesquels nous ne reviendrons point, passons de César à Julien l’Apostat.

Descendons du grand homme jusqu’au pédant, — de la tête impériale jusqu’au crâne étroit du sophiste couronné.

Le bon M. Dulaure, cet esprit si supérieurement bourgeois, si franchement dépourvu de toute idée artistique ou littéraire, cet