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LES NUTIS DE PARIS.

Mais, à mieux réfléchir, nous avons reculé devant ce chaos. Le lecteur, fatigué, se fut perdu au milieu de ces dates enchevêtrées. Dans cette mêlée des rois, des peuples et des siècles, l’attention se serait brusquement rebutée.

C’eût été plus original ; mais je ne veux plus être original. Si jamais j’ai pu être original, je m’en repens et j’en ai grande honte, car mon tailleur m’a montré différents messieurs, représentants du peuple ou commis dans des magasins de nouveautés, qui avaient des paletots trop courts et des gants verts, et mon tailleur m’a dit : Ce sont des originaux.

Et quoi ! les courtauds de boutique et les petits malheureux que le hasard (lu suffrage universel a envoyés au Palais-Bourbon (qui n’en peut mais), nous ont déshonoré ce dernier mot de notre langue : Original !

Original est comme libéral ; c’est désormais un mot bafoué, qui a du ventre, et du coton dans les oreilles : un mot qui porte perruque !

Un mot grotesque comme le mot… Mais nous avons solennellement promis de ne pas parler politique.

À part la crainte que nous avons eue d’égarer nos lecteurs dans un inextricable labyrinthe, nous avons pensé qu’il serait curieux pour tous de voir Paris sortant peu à peu de ses limbes, les forêts séculaires tombant sous la hache, la Seine se dépouillant de ses roseaux, les cathédrales s’élevant aux lieux où rampaient, sur leurs pieds bas et rudes, les tables druidiques, — les voies romaines, bordées d’ormes, bouchant leurs ornières avec le pavé moderne, les maisons s’alignant dans les cultures, parsemées de tombeaux, les donjons remplaçant les forteresses rustiques, les palais remplaçant les donjons, et les horribles cheminées à vapeur, hélas ! remplaçant bientôt peut-être les palais.

Car il faut de la place à ces orgueilleux tuyaux de brique qui toussent la noire fumée du coke. Ce sont des bourgeois, ces tuyaux :