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LES NUTIS DE PARIS.

Les autres Gaulois couraient dans Lutèce abandonnée.

Lui, Alarix, attendait.

Les autres Gaulois lui rabattaient le gibier romain.

Et chaque fois qu’un légionnaire pourchassé arrivait à la tête du pont, la hache d’Alarix se levait. Le légionnaire tombait, le front fendu.

Alarix disait :

— Pour Arrhéda !…

Pour Arrhéda, la pauvre morte, Alarix eut une hécatombe de Romains.

La centurie entière y passa.

Mais le principal coupable, Alarix ne l’eut point sous sa hache.

Il retourna les cadavres un à un, et parmi les cadavres il ne trouva pas Corvinus.

Où était Corvinus ?…


À la proue de ce gigantesque navire qui est maintenant la Cité de Paris, il y avait, parmi les aulnes et les saules chevelus, mouillés par le courant, un petit bateau amarré à la berge.

Pendant que le blond Ar-Bel était avec sa Ghella chérie, pendant qu’Alarix fendait à la douzaine des crânes de triaires, pour la satisfaction posthume de sa belle Arrhéda, un Gaulois entre deux âges, carré d’épaules et portant sur son front bas une forêt de cheveux grisonnants, se glissait le long du bord.

— Où diable a-t-il mis mon bateau, ce coquin-là ? grommelait-il entre ses dents ; — je ne l’ai pourtant pas reconnu parmi ceux qui ont servi à faire le pont !…

Il cherchait, soulevant avec soin les basses branches des saules.

Enfin, il trouva le batelet amarré sous la forteresse.

Il laissa échapper une exclamation de plaisir.