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LES NUITS DE PARIS.

Pendant toute sa route à travers la forteresse, il ne rencontra pas une âme.

Il arriva devant la retraite de l’affranchi et de l’esclave. Il s’arrêta pour peigner un peu sa barbe et ses cheveux en désordre.

Car ce n’est pas le soldat français qui a inventé la coquetterie burlesque. Le jour où le premier uniforme militaire fut confoctionné, en écorce d’arbres, en mailles de fer ou en tissu de poil on y fit une poche pour mettre un peigne à barbe.

Et c’est une grande erreur, de penser que la cire à moustaches date de la fondation de l’École polytechnique.

L’École polytechnique a inventé les fausses hanches et les corsets à poitrine de dindon. C’est bien assez pour sa gloire.

Les soldats romains connaissaient le charme de la toilette. Le mot latin qui signifie astiquer doit se trouver quelque part dans le dictionnaire de nos vilains petits Catulles du second Théâtre-Français.

Corvinus, ayant un peu réparé son extérieur, poussa la porte qui fermait la chambre de Mysœïs. — Il vit Ghella assise sur le lit de l’esclave.

Cela lui rendit un peu de cœur.

Ghella était charmante, et, d’instinct, le centarque porta la main au pommeau de son épée, — ce talisman qui abrégeait pour lui la résistance des femmes.

Par la fenêtre ouverte, les clameurs arrivaient plus fortes ; mais Corvinus n’en était plus à s’inquiéter de si peu. C’était bon dans les grands corridors noirs.

Il s’avança vers le lit.

Ghella se prit à trembler.

Comme le centurion allait porter la main sur elle, quelque chose passa en sifflant entre leurs deux têtes.

Corvinus fit un bond en arrière.