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LES NUTIS DE PARIS.

Œlian, le front sur son bras ; Mysœis, la tête dans les boucles dénouées de ses cheveux noirs. Leurs mains étaient jointes.

Et dans ces bassins horriblement rouges, beaux comme ils étaient après la mort, vous eussiez dit deux merveilleuses statues de marbre de Paros.

Corvinus pressa sa poitrine révoltée.

— Oh ! fit-il, en frissonnant de tout son corps, — ils ont été bien longtemps à mourir !

L’émotion qui lui serrait la poitrine comme un étau de fer était violente, mais toute physique. Elle ne pouvait durer.

— Par Bacchus ! s’écria-t-il en secouant sa torpeur, — il me faut une belle nuit pour chasser le souvenir de cette mauvaise heure !… À la petite Gauloise, maintenant !

Il jeta un dernier regard sur la scène de mort, et ses yeux fascinés s’y attachèrent encore pendant plus d’une minute.

Puis il s’enfuit, poursuivi par les deux formes blanches qu’il voyait dans la nuit.

Pour gagner la retraite habitée naguère par Œlian et Mysœïs, il fallait traverser une partie de la forteresse.

Le centarque tâtonnait dans l’ombre, et il lui semblait ouïr au loin comme un bruit de bataille.

— Le choc des coupes ressemble au choc des armures, se disait-il ; — mes coquins de triaires ne m’ont pas attendu pour commencer le festin !…

Il allait toujours.

Quand il passait devant les fenêtres donnant passage au vent au dehors, de vagues clameurs arrivaient à ses oreilles.

Il pensait :

— Pourquoi les chansons à boire sonnent-elles aujourd’hui comme des cris d’agonie ?