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LES NUITS DE PARIS.

Œlian s’ouvrit les veines à son tour.

L’eau de la piscine frémissait sous le quadruple jet. Sa teinte se faisait plus foncée.

Les deux chiens gémirent à l’odeur du sang.

Œlian et Mysœïs se tenaient par la main.

— Les siècles futurs, dit Myeœïs, parleront d’Œlian et de Mysœïs, les serviteurs fidèles.

— Une parcelle de l’immense gloire de César, répondit Œlian, rejaillira sur notre souvenir.

— Qu’eussions-nous fait désormais dans la vie ?

— Et les sages n’ont-ils pas dit que la mort était le plus doux des sommeils !

Il y eut un court silence.

L’eau rougissait, tandis que les fronts devenaient pâles.

Le centarque regardait et retenait son souffle.

Mysϕs porta ses mains jusquՈ ses yeux avec fatigue.

— Mes paupières retombent malgré moi, murmura-t-elle.

Puis, elle ajouta avec un soupir :

— J’étais bien jeune encore !…

— Mes yeux se voilent, dit Œlian ; — j’avais de longs jours à être heureux !

La tête de Mysœïs oscilla sur le contour merveilleux de ses épaules.

— Un sommeil, répéta-t-elle ; — non !… ce n’est pas un sommeil !… À mesure que mes yeux s’aveuglent, il me semble que mon esprit s’éclaire… La mort, qui vient, me dit que l’âme est immortelle.

— Que les dieux soient loués ! dit Œlian ; — si l’âme ne meurt pas, nos âmes serviront César et l’aimeront dans l’autre vie.

L’eau de la piscine était couleur de sang.

Les chiens pleuraient.