Page:Féval - Les Nuits de Paris - 1880, volumes 1 et 2.djvu/158

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
62
LES NUITS DE PARIS.

Le centarque se couvrit le visage de ses mains.

Une chose étrange, c’est que le centarque ne se trompait qu’à demi. César avait été attaqué en effet, au pied de Montmartre, par une formidable armée de Gaulois embusquée dans les taillis.

Seulement César, au lieu d’être vaincu, avait été vainqueur et poursuivait maintenant sa route vers le nord.

On eût fort étonné le centarque, si on lui eût dit qu’il ne mentait pas tout à fait.

Il se couvrit donc le visage de ses mains, et balbutia, à travers des larmes feintes :

— César était seul : il combattait encore. Autour de lui, un monceau de cadavres témoignait de sa redoutable valeur. Mais sa poitrine, percée de mille coups, lui refusait le souffle…

— Oh ! mon rêve ! murmura Œlian.

— Bon ! se dit Corvinus ; — il a fait un rêve !… Mercure ! dieu éloquent des menteurs, merci !

— Sa main affaiblie, poursuivit-il, pouvait à peine soutenir son glaive… Il m’aperçut debout encore et combattant de mon mieux.

— « Mon ami, me dit-il, — je ne veux pas que César tombe vivant aux mains de ces barbares… Si tu parviens à te sauver, prends mon épée dans ma poitrine et porte-la toute sanglante à ceux que j’aimais… »

— Il dit, et la lame de son propre glaive disparut dans son sein. Je me laissai tomber parmi les morts pour accomplir la dernière volonté de César. Et me voici venu vers vous qu’il aimait, vous apportant son épée toute sanglante.

Il leur tendit en effet le glaive.

— Oh ! c’est donc vrai ! c’est donc bien vrai ! s’écria Mysœïs, car cette preuve lui semblait irrécusable ; — c’est l’épée de César.

Œlian dit :

— Le dieu est au ciel !

Puis il montra la porte à Corvinus d’un geste grave et triste.