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LES NUITS DE PARIS.

— Oui… je veux les épargner.

— Que Jupiter soit loué ! dirent les soldats ; — nous allons préparer les tables.

Dès que le centarque fut seul, il mit du désordre dans ses vêtements et souilla ses cheveux de poussière. — Puis, après avoir jeté un coup d’œil sur l’épée pour voir si le sang du pauvre esclave était encore à la lame, il ouvrit brusquement la porte à claire-voie et s’élança dans la salle des thermes en criant :

— Malheur ! malheur !

Œlian et Mysœïs se soulevèrent épouvantés.

Corvinus se laissa tomber sur les dalles de granit.

Il disait en se tordant les mains :

— Malheur sur nous ! malheur sur Rome ! malheur sur l’univers ! Malheur ! malheur ! malheur !

— Qu’y a-t-il ? demanda Œlian.

Et Mysœïs répéta :

— Qu’y a-t-il ?

Les deux chiens semblaient écouter, la tête droite, les yeux grands ouverts.

Mais le centarque ne parlait point et répétait toujours :

— Malheur ! malheur ! malheur ! Enfin, il leva d’un bras défaillant l’épée teinte de sang, et prononça d’une voix brisée :

— Rome est veuve !… le monde est orphelin !… Caïus Julius Cæsar a vécu !

Ce fut comme si la foudre était tombée au milieu de cette salle.

Œlian et Mysœïs poussèrent un cri déchirant, auquel répondit le long hurlement des chiens, ces animaux qui flairent le malheur !

— Tu mens ! dit Œlian ; — tu mens !…

Et Mysœïs ajouta :

— Les dieux sont immortels !