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LES NUITS DE PARIS.

du centarque ne s’était levée énergiquement pour réclamer le silence.

— Ainsi, reprit Corvinus, c’est entendu : les chiens d’abord, la femme ensuite… L’homme ne vaut pas une moitié de femme, ce qui fait moins d’un quart de chien !

Les bons soldats sourirent à ce calcul aimable.

Ils se trouvaient maintenant devant la porte à claire-voie qui fermait la salle des thermes, ou bains chauds. Une draperie tombait sur la grille.

Comme le centarque et ses compagnons se trouvaient dans l’ombre, il leur suffisait de lever la draperie pour voir sans être vus.

Le centarque n’y manqua pas, et cela faillit compromettre le succès de son entreprise.

Car, sur quatre citoyens romains qu’il amenait avec lui, il s’en trouva deux qui aimaient les chiens, un qui ne détestait pas les femmes, et un quatrième qui partageait l’opinion du pasteur Corydon du doux Virgile. — Ô regrettables mœurs de l’antiquité !

La vue d’Œlian, de Mysœis, de Vultur et de Vorax, qui étaient bien le plus joli garçon, la plus délicieuse femme et les deux plus beaux chiens que l’on pût rencontrer, toucha diversement les quatre triaires, qui sentirent leur courage faiblir.

Corvinus s’en aperçut et n’en prit point d’inquiétude, parce que, à ce moment même, une idée lumineuse traversait par hasard son cerveau épais.

Il venait d’entendre Mysœïs qui disait : Ceux qui ont appartenu à César ne doivent point survivre à César. Il avait compris. Son plan s’était fait dans sa tête comme par enchantement.

— Amis, dit-il aux triaires, qui avaient perdu sa confiance. — j’ai changé d’avis ; je n’ai plus besoin de vous… Allez préparer la table… et que le Falerne soit froid.

— Vous voulez les épargner, centarque ?