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LES NUITS DE PARIS.

— Et Ghella ne sera pas à l’amphithéâtre !… Cynthie la jalouse détournera les yeux pour ne pas me voir… Lesbie versera des larmes de dépit… Cythéris pâlira… Clodia s’enfuira hors de l’enceinte, cachant sa rage derrière la migraine éternelle des envieuses… Œlian ! que je voudrais être à Rome !

— Oui… murmura l’affranchi, qui songeait ; — César est invincible !

Puis il ajouta en passant sa main sur son front :

— Et pourtant, j’ai fait un rêve !…

— Quel rêve ? demanda Mysœïs avide.

— Fassent les dieux qu’il soit descendu sur mon front, ce rêve, par la porte d’ivoire, où passent les chimères menteuses… J’ai vu… c’était à Rome que tes vœux appellent, ô Mysœïs !… c’était dans l’enceinte auguste où se réunissent les sénateurs romains… César était sur un trône, et les vieillards l’entouraient… Tout à coup une clameur s’est élevée, et j’ai vu que César avait la couronne de roi sur la tête…

— Eh bien ! dit Mysœïs, — ton rêve n’a rien de si funeste…

— Attends donc !… Des rangs des sénateurs plusieurs hommes sortirent… Ils étaient pâles, et leur regard se baissait devant le regard du dieu… Cependant, ils gravirent les degrés du trône, et je vis le sang de César qui coulait par vingt-trois plaies…

Mysœïs poussa un cri d’horreur.

— César tomba le visage contre terre, poursuivit Œlian ; — et en tombant, il dit : « Et toi aussi, mon fils ! … »

— Son fils ! répéta Mysœïs ; — il n’a pas de fils !

— Il appelait autrefois Pompée son fils.

— Pompée est trop noble pour l’assassiner !

— Avant que Caïus Junius Brutus ne devînt son ennemi… commença Œlian.

— Celui-là aussi est noble ! interrompit Mysœïs ; — mais c’est