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LES NUITS DE PARIS.

Et quelle occasion ce serait pour nous d’ici, ô lecteur ! de vous prouver que nous avons eu des prix en huitième !

Comme nous pourrions écrire une belle page tout hérissée de mots en us, en a ou en um, parler de rostres et d’arènes, de pugilats, de gladiateurs à javelines et de gladiateurs rétiaires, de pallium et de peplum, de toges, de laticlaves et de bullæ !

On gagne sa vie, savez-vous, ô lecteurs, dans les lointaines contrées qui s’appellent la rue Saint-Jacques, ou l’Odéon (un nom grec qui veut dire serinette), on gagne sa vie à parler ces douces langues que personne n’entend plus.

Mais nous résisterons à la tentation, nous laisserons à des écrivains d’une science écrasante la gloire de dire plectrum, au lieu de violon, et sandalium, au lieu de pantoufles.

Ce genre de badinage nous semble, à l’heure qu’il est, par trop facile et par trop usé.

Ne prenons pas le pauvre pain des gueux de la néo-tragédie !

Priscille Œlian peignait, et peignait en pure perte, le luxe prodigue, la richesse éblouissante, les raffinements inouïs de Rome maîtresse du monde. La fille des forêts parisiennes ne l’écoutait pas.

— Eh bien ! Ghella, dit OElian, après sa description pompeuse, ne voudrais-tu pas vivre dans mon palais ?

— Ar-Bel et moi, répondit Ghella, nous n’avons même pas de chaumière… Et cependant nous sommes heureux.

Œlian se pinça la lèvre, car il avait, de plus que Mysœïs, la fatuité, ce vice des hommes rapetissés.

Il lui semblait que cette petite sauvage ne devait pas, ne pouvait pas résister à ses séductions. N’était-il pas beau ? ne parlait-il pas la langue de Catilina et de Clodius, ces deux séducteurs ? la langue de Catulle et de Properce, ces deux poètes d’amour ? n’était-il pas de ces pays heureux où la Grèce européenne se marie à la Grèce asiatique, pour produire la plus choisie entre toutes les