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LES NUITS DE PARIS.

— Eh bien ! reprit-elle, — je l’aimerai, ta Ghella, si elle veut que tu m’aimes.

Le Gaulois sourit à son tour et releva la tête avec fierté.

— Oh ! dit-il ; — Ghella était vierge hier… Ghella me tuerait !

Miysϕs ne comprenait plus.

— Écoute, reprit-elle avec un geste où la fatigue perçait déjà, si vous voulez rester avec moi, elle et toi, je vous ferai plus riches qu’un roi et qu’une reine.

Un rayon de soleil passa par les draperies entr’ouvertes de la fenêtre.

Ar-Bel tressaillit.

— Femme, dit-il, — sais-tu nos lois ? Chez nous, celui qui manque à l’appel de la patrie est puni d’une peine mille fois plus dure que la mort… Sa chevelure est arrachée par la main du bourreau… son nez et ses oreilles sont coupés avec une scie… et son front dépouillé est ensuite broyé entre deux meules… Laisse-moi partir !

Mysœïs avait détourné la tête avec dégoût.

— Oh ! barbarie ! barbarie ! s’écria-t-elle ; — tes beaux cheveux à toi, pauvre enfant !… ton front si pur et si jeune !…

— Mais, reprit-elle, — que parles-tu d’appel de la patrie ?

— Nos guerriers sont rassemblés.

— Pour faire la guerre à César ?

— Non, répondit Ar-Bel sans hésiter, pour combattre les hommes d’Agedincum.

— Et tu veux me quitter déjà ?… Ilium ! cria-t-elle.

Une jeune fille parut.

— Fais seller un cheval, ordonna Mysœïs.

Ar-Bel s’inclina sur sa main.

Mysœïs l’attira vers elle.

— Écoute encore et souviens-toi, dit-elle ; — les amours sont courtes… les plus belles joies sont celles qui durent le moins…