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iv
INTRODUCTION.

Il travaille à la Bourse ; il escompte ; il se rase ; il déjeune d’une flûte au galop.

Il est brusque et porte le linge de la veille.

Il lit le journal, et Dieu sait que ce seul fait : lire le journal, suffirait à rendre une cité rachitique.

Il fait des factures ; il les porte ; il les paie.

Le jour, en un mot, Paris est un marchand ou un commis, — un coiffeur, — une femme en peignoir avec des papillottes sur la tête, et sur la joue des cosmétiques impurs.

La nuit, Paris est un grand seigneur.

Le marchand s’est fait gentilhomme ; le commis tranche de l’artiste. — Le coiffeur a lavé ses mains, — la femme a ôté son peignoir, défait ses papillottes et purifié sa joue.

Le papillon brillant a remplacé la chenille.

L’aurore de Paris, c’est la chute du jour.

La nuit, Paris ne fait plus d’affaires, Paris s’amuse.

À moins que, dans quelque savant réduit, à la lumière discrète d’une lampe, à moins que Paris n’enfante une de ces œuvres qui traversent les siècles : Figaro ou Gil Blas, le Cid ou Athalie, l’Avare ou la Comédie humaine.

Car si, la nuit, Paris n’escompte plus, il pense encore.

La Bourse est fermée, les bureaux sont fermés, la chambre des représentants, cette boutique de phrases chinoises, est fermée.

Les théâtres s’ouvrent.

Le Diorama, le Panorama, le Navalorama, tout ce qui est affreux retombe dans le néant. — L’Opéra met le feu à son gaz et allume sa rampe féerique.

Paris s’éveille.

Paris sort de sa coque, frisé, pomponné, musqué, fardé.

En une seconde, l’obèse bourgeois s’est transformé en cavalier pimpant, la vieille coquette s’est changée en ingénue.

Il y a bien là-dessous quelques dents d’hippopotame, quelques