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LES NUITS DE PARIS.

La pauvre Ghella, de son côté, avait un sort à peu près semblable.

Elle n’avait trouvé personne à la cabane du vieux Thual, son père.

Comme elle en sortait, elle aperçut le centarque Corvinus qui venait à elle avec cet affreux sourire des soudards galants.

Elle voulut fuir :

Mais quatre esclaves Nubiens, qui avaient la langue coupée, lui en évitèrent la peine.

Ils sortirent de la forêt à l’improvisle, saisirent la pauvre petite Ghella, fermèrent sur elle les voiles d’une litière et descendirent la montagne au galop.

Le centarque Corvinus resta planté comme un dieu Therme, les yeux écarquillés, le nez très-abattu, comme ces gens à qui on arrache le verre qu’ils étaient sur le point de boire.

— Par Jupiter Stator ! murmura-t-il ; — ce sont bien les esclaves de l’affranchi de César !

Il reprit la route du camp la tête basse.

Quand il arriva au camp, un soldat vint lui dire que l’affranchi de César voulait lui parler.

— Qu’il vienne ! répondit-il ; — pense-t-on qu’un centarque de triaires puisse se déranger pour de pareilles espèces ?

Presque aussitôt, une servante vint lui dire que la belle Mysœïs, l’esclave de César, avait besoin de l’entretenir.

— À la bonne heure ! pensa-t-il, — si j’ai sur les bras ce mignon et cette coquine, mes soldats me trouveront quelque matin étranglé dans mon lit.

— Dites à la divine Mysœïs, répliqua-t-il pourtant, — que dans une minute je serai à ses pieds.

— Pas dans une minute, objecta la soubrette latine ; — dans une heure… Mysœïs est occupée, maintenant.