Page:Féval - Les Nuits de Paris - 1880, volumes 1 et 2.djvu/133

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
37
LES NUITS DE PARIS.

— Moi, repartit Mysœis, j’aurai vingt ans aux ides du septième mois… Je suis sûre d’être la plus belle, puisque César me le dit… Pour remplir ma main d’or, je n’ai qu’à étendre la main… Eh bien ! si Ar-Bel voulait, je lui donnerais tout, — excepté l’amour de César.

Voilà pourquoi Œlian et Mysœis avaient échangé un sourire, à la vue d’Ar-Bel et de Ghella.

Du sommet du mont Cétard au camp romain situé dans l’île de Lutèce, pendant toute la route, Œlian et Mysœïs, balancés mollement dans leur litière, s’entretinrent de Ghella et d’Ar-Bel.

De jalousie, pas l’ombre. — Et l’image radieuse de César, qui planait toujours dans leur pensée commune, ne se voilait point à l’aspect de ces nouvelles amours.

C’étaient, je vous le dis, des mœurs étranges.

Ils épuisaient l’amour comme on boit une coupe ; et, comme on remplit de nouveau la coupe vidée, ils cherchaient, après l’amour défloré d’aujourd’hui, l’amour vierge du lendemain.

Sans mystère et sans honte, — comme nous cherchons, nous, dans le repas quotidien, quelque variété pour réveiller le goût.

Le mouton après le bœuf : excusez la trivialité grande ; après le mouton, le gibier.

Ces épicuriens de Rome n’y mettaient pas plus de façon que cela.

Mysœis voulait un ragoût nouveau, Œlian un plat inconnu.

Mais ils voulaient, cet affranchi beau comme Apollon et cette esclave plus belle que Venus, ils voulaient autrement que nous.

Comment vous dire la politesse singulière de ces passions émoussées, la philosophie tranquille de ces désirs affaiblis ?

Nous ne sommes pas aux fureurs hystériques de Messaline ; nous ne sommes pas aux amours chirurgicales de Caracalla. Rome n’a que sept cents ans. Elle n’en est qu’au sommeil plein de rêves