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LES NUITS DE PARIS.

Le commun des hommes libres ne pleurait guère qu’une fois en la vie : à l’heure triste où le dernier sesterce avait payé la dernière goutte de Cécube ou de Falerne, — à l’heure navrante où la première ride avait chassé le dernier baiser.

Notre opinion particulière est celle-ci : l’homme n’est homme moralement que depuis la venue du Christ.

Auparavant, l’homme était un animal intelligent et raisonneur, mais non pas raisonnable.

Ce que sont restées enfin certaines curiosités ambulantes qui mangent des dictionnaires et traînent leur esprit nourri de fadaises antédiluviennes dans les ruisseaux scolastiques.

Notre opinion est qu’il ne faut ni condamner ni absoudre ces gens-là : pas plus qu’on ne condamne et pas plus qu’on n’absout les lièvres des champs, les tourterelles des bois, les mouches inconstantes et les hannetons lascifs.


VII

— Ô Mysœïs ! disait Œlian, — tu es belle comme une divinité ; mais je crois que je ne t’aime plus.

— Ô Œlian ! répondait Mysœïs, — tu es beau comme un immortel ; mais je crois que je ne t’ai jamais aimé.

Ils étaient là, demi couchés sur la pourpre africaine. Ils se souriaient et leurs mains étaient unies.

Ils disaient vrai : ils étaient beaux tous deux, ces deux êtres, ce jeune affranchi, cette jeune esclave, fatigués de bonheur, rassasiés de joies, blasés jusqu’à la mort des sens.

L’homme plus efféminé que la femme, et la femme affaissée sous le poids de je ne sais quel désir impossible.

— Un jour, reprit Œlian, j’avais gravi le mont Cétard, afin de prier pour Julius le dieu barbare qui a des cornes de bélier…