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LES NUITS DE PARIS.

Et le soleil du matin les trouva souriants et embrassés, comme les oiseaux de Dieu qui s’éveillaient dans les grands chênes…




Mais il nous faut expliquer ce sourire échangé entre Mysœis l’esclave et l’affranchi Œlian, à la vue des deux enfants.

Pour cela, nous reviendrons pour un instant à la chasse de César dans les forêts lucotitiennes.

Pendant que César, l’épieu à la main, courait le sanglier, Œlian et Mysœïs, abrités contre le soleil par un voile de lin suspendu à des tiges dorées, prenaient le frais sur la lisière du bois.

Ils étaient couchés mollement au fond de la litière dont les mouvements doux les berçaient.

Tous deux aimaient César comme on aime un dieu, — car il faut bien employer souvent le mot qui était le fond de la langue du temps.

« Un dieu nous a fait ces loisirs… » disait le doux Virgile en parlant d’Auguste.

Mais cette tendresse qu’ils vouaient au dieu ne ressemblait à rien de ce que comportent nos mœurs.

Elle n’excluait, cette tendresse, aucun autre amour.

Ces païens étaient un peu comme les pigeons, qui s’accouplent au hasard, à chaque ardeur nouvelle. — Ils allaient à la beauté comme l’aimant va au pôle. — Ce qui était au delà ou au-dessus du plaisir des sens ne les inquiétait point.

Il y avait bien quelques poètes qui parlaient de constance, mais c’étaient des poètes qui aimaient encore après qu’on ne les aimait plus.

Ce sort fut toujours le sort des poètes, qui mettent des larmes dans leur encre, qui détrempent, à force de pleurer, les pages mélancoliques de leurs livres, — qui boivent des sanglots, — qui respirent des soupirs.