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LES NUITS DE PARIS.

— Mais réfléchis donc, barbare, dit César ; — ta vie est à moi, pourquoi exposerais-je la mienne ?

— Romain, tu te trompes, répliqua le guerrier gaulois, — gardant son calme extraordinaire et sa sauvage courtoisie ; — ma vie n’est pas à toi… et c’est moi qui suis maître de la tienne.

Cette fois, César se prit à rire tout à fait et de bon cœur.

— À moins que tu n’aies une armée dans cette forêt… commença-t-il.

— Je suis seul, interrompit Alarix : — mais nous sommes séparés par douze pas… avant que tu en aies fait six, ma hache peut te fendre le crâne jusqu’aux dents.

Les Gaulois de la Celtique se servaient en effet de leur hache à long manche comme d’une arme de trait, — à peu près de la même manière que les Indiens du nord de l’Amérique se servent du tomahawk.

Tout ce qui entourait César frémit.

Mysœïs devint pâle comme la laine blanche de sa ceinture ; l’affranchi Œlian sauta hors de la litière et tira son glaive.

— Ædepol ! murmura César ; — si tu faisais cela, barbare, mon cher gendre Pompée le Grand et le sénat de Rome t’élèveraient un autel !

Il reprit tout haut en dégainant sa large épée à garde d’or :

— Voyons, ami Gaulois, essayons !

Mais Priscille Œlian, le bel affranchi, était déjà à la bride de son cheval, au devant duquel se pressaient chevaliers et patrices.

Alarix était toujours appuyé sur sa hache.

— Oh ! dit-il d’un accent amer, — quand on est dieu, il n’est pas permis d’être brave… Moi qui ne suis pas dieu, Jules César, j’ai besoin de prouver ce que j’avance… je t’ai dit que je pouvais te fendre le crâne jusqu’aux dents…

Il prit sa hache à deux mains.