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LES NUITS DE PARIS.

comme s’ils eussent porté le chapeau à claque et le frac, étoile d’une croix d’honneur, au lieu du casque et de la chlamyde. Ils étaient, en vérité, ces aides de camp, presque aussi bien dressés que nos membres actuels des sociétés de bienfaisance politique.

D’un mouvement commun, ils voulurent s’élancer sur Alarix.

César les arrêta du geste.

— Qui es-tu, dit-il, toi qui refuses de mettre un genou en terre devant Julius Cæsar ?

— Je suis celui qui ne met le genou en terre que devant les dieux immortels.

— César est un Dieu ! s’écrièrent les aides de camp ; — César est immortel !

Le guerrier parise sourit avec dédain.

— Dans nos pays des Gaules, prononça-t-il du bout des lèvres, on ne flatte que les femmes, parce qu’elles sont esclaves.

Chevaliers et patrices tourmentaient, ma foi ! leurs glaives !

S’ils ne frisaient point leurs moustaches, c’est que la mode ne séparait point alors la barbe en trois catégories distinctes. C’était une seule et même toison depuis la lèvre supérieure jusqu’au-dessous de la mâchoire.

— Si vous posiez devant moi, reprit Alarix, l’image redoutable de Tarran, que vous appelez, vous autres Italiens, Jupiter-Taranis, je planterais ma hache en terre et je lui dirais : — Dieu ! salut !… mais…

— Eh bien ! interrompit César, — dis seulement : César salut !

— Non, répliqua le guerrier.

— Tu tiens donc bien peu à la vie !…

— Juste assez pour la défendre contre toi.

César sourit à son tour.

— Voudrais-tu me combattre en combat singulier ? demanda-t-il.

— Oui, répondit Alarix dont les yeux bleus brillèrent.