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LES NUITS DE PARIS.

— À genoux, barbares, devant l’empereur[1] !

Les locutions peuvent changer ; la platitude de certains dévouements reste la même.

César, quand il est homme de sens, ne se fie pas trop, du reste, à ces dévouements si fougueux.

Ces bonnes gens de Gaulois ne firent pas attention à l’injure. La plupart d’entre eux s’agenouillèrent.

À la vue de cinq ou six récalcitrants, les aides de camp de César, saisis d’une sainte colère, mirent la main à leur glaive et crièrent encore :

— À genoux, barbares ! à genoux devant le Dieu !

Les cinq ou six récalcitrants obéirent, — même le vieux batelier Thual, qui néanmoins fit la grimace, et murmura pour sa consolation personnelle :

— Patience ! patience !

Un seul homme était maintenant debout parmi les Gaulois prosternés.

C’était Alarix le guerrier, qu’on eût tué mille fois avant de faire plier ses genoux.

Il avait la tête haute et fière. Ses deux mains croisées s’appuyaient sur le long manche de sa hache. Le vent du soir faisait flotter sur ses épaules les mèches de ses cheveux blonds.

Un murmure d’admiration s’éleva du côté d’Œlian et de Mysœïs, derrière lesquels venaient de s’arrêter quelques litières de chasseresses qui s’étaient attardées aux détours de la forêt.

Cet homme était beau dans sa pose héroïque.

Et toutes ces femmes, esclaves ou non, amoureuses de la forme, avaient envie d’applaudir à sa beauté.

Les aides de camp, moins poétiques, crièrent à l’insolence

  1. Empereur est ici pour son équivalent latin imperator, qui signifie chef, commandant, et plus spécialement, dans le langage militaire, général victorieux.