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ii
INTRODUCTION.

gaillarde répartie, — la farce, aux lueurs de la chandelle ignoble, — la tragédie près de la rampe triste ou sous la flamme vacillante des réverbères.

Des épées, des poignards, le lâche couteau des bandits, — du velours, du satin, les diamants qui jettent leurs feux mystiques en gerbes dans les ténèbres, — la gaze aimée sur le sein pur des jeunes filles, — la dentelle jolie et perfide qui sert de masque, — le bal qui chante derrière les vitres éclairées, — l’ivresse qui hurle, la faim qui pleure.

L’amour heureux qui se cache et qui se tait.

Là-bas, à l’abri de ces rideaux jaunâtres, parmi l’odeur détestée de la pipe, des haillons et du vin empoisonné, des misérables se disputant avec des cartes sales, sur une table graisseuse, les quelques sous volés dans la journée.

Ici, M. le marquis d’Athènes, gentilhomme grec, opérant avec des cartes toutes neuves sur un tapis brossé parfaitement, se servant de fiches de nacre et de jetons d’or, mais volant plus impudemment que les pauvres diables, volant les dandys idiots, les prêtresses de Cupidon-négociant, les seigneurs à cravache, les duchesses à cigare, ce qui est œuvre pie, — mais volant aussi cette petite bête vicieuse qui est dans toutes les familles, qui ouvre un soir le pauvre secrétaire, et va jouer, et va perdre l’honneur de son père ou la vie de sa mère.

Car les philosophes l’ont dit, ainsi que les chansonniers entre deux vins : Il faut bien que jeunesse se passe !

Et comme jeunesse trouve à se passer dans ce beau Paris ! que ce soit sur les tapis moelleux des fiers salons ou dans la fange honteuse de la rue !

Jeunesse se passe, au gré des philosophes et des chansonniers. Les hôpitaux regorgent ; les prisons débordent ; la Morgue fait recette. Il faut que jeunesse se passe.

Jeunesse passée, selon le rit philosophique ou suivant le dogme