Page:Féval - Les Nuits de Paris - 1880, volumes 1 et 2.djvu/116

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
20
LES NUITS DE PARIS.

Thual soupira. — Allons ! grommela-t-il, ce ne sera pas encore pour demain… Prenons patience !…

— Qu’attendiez-vous donc ? interrogea le guerrier à son tour.

— Oh ! fit Thual avec son air bonhomme, — les Meldes et les Silvanectes ne dorment pas, mon compère… Un soir ou l’autre, vous verrez s’allumer le feu des montagnes… et alors nous remettrons la danse à une meilleure occasion… et alors, nous parlerons encore de Jules César, mais sur un autre ton, c’est moi qui vous le dis… À votre santé !

Comme il portait la coupe à ses lèvres, et avant qu’Alarix eût le temps de répondre, un son de trompe se fit entendre au lointain.

Les danseurs s’arrêtèrent comme par enchantement.

La harpe et la flûte se turent. On écouta.

Et comme un second son de trompe perça le silence de la nuit, cent voix s’écrièrent en chœur :

— Le buccin de César !

— Il va passer par ici, ajoutait-on avec une joie non équivoque ; nous allons le voir !

— Il se sera attardé dans la forêt avec ses compagnons ; — nous allons tous les voir !

Alarix respira avec force.

— Et moi aussi, dit-il en laissant errer sous sa barbe un étrange sourire ; — et moi aussi, je suis content de voir César !

— Moi aussi, moi aussi, prononça bonnement l’excellent Thual, je ne serai pas fâché de voir César.

La trompe se rapprochait.

On entendit un bruit de fouillis dans les feuilles.

Une gaie clameur s’éleva dans le groupe des Parises.

— Là ! là ! Vultur ! Ici, Vorax !

— Les deux chiens de César !

Deux merveilleux animaux à la robe tigrée, au poil soyeux, à la jambe coupante et nerveuse, s’élancèrent hors de la forêt.