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LES NUITS DE PARIS.

Thual s’était assis sur les marches de l’autel ; Alarix restait debout à ses côtés.

Il suivait les mouvements désordonnés de la foule avec un sourire amer. — Et chaque fois que le nom de César sortait de cette joyeuse mêlée, il détournait les yeux, indigné.

— Peuple d’enfants ! murmura-t-il enfin, ne pouvant contenir sa colère ; — ils viennent d’être insultés, et ils dansent.

— Oh ! fit le bon Thual, qui lampa une pleine coupe de vin vermeil, — ils dansent, c’est vrai… mais patience !

— Ce nom de César sort de toutes les poitrines.

— Il faut bien parler de quelque chose, mon compère… Et, tenez, moi-même, qui ai des cheveux gris, ça m’amuse d’entendre parler de César… et je sens parfois encore mes vieilles jambes me démanger, quand je vois cette jeunesse qui se trémousse…

Alarix était plongé dans ses réflexions.

— Que faire avec de pareils soldats ?… murmura-t-il encore.

— Oh ! répliqua l’honnête Thual, — quant à ça, je ne sais pas… mais je crois bien qu’avec de la patience nous renverrons ces coquins dans leur Italie.

— En dansant ?…

— Et en buvant, mon compère Alarix… À votre santé !

Alarix fit un geste d’impatience.

Thual le prit par la main.

— Mon compère, poursuivit-il, vous qui avez de bons yeux encore, faites-moi donc le plaisir de regarder par ici.

Il montrait l’horizon du côté de l’est.

Alarix suivit son mouvement et regarda.

— Ne voyez-vous rien ? demanda Thual.

— Rien, répondit Alarix.

— Et de ce côté ? reprit encore Thual en étendant sa main vers le nord.

— Rien, répliqua le guerrier.