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LES NUITS DE PARIS.

Il faut danser pour vivre. La danse est ce qui distingue le Gaulois de la brute.

On peut jeûner ; on peut avoir soif ou avoir froid sans se plaindre.

On ne peut pas ne pas danser.

Les pieds frappèrent en mesure la terre durcie ; les bras s’arrondirent ; — les corps balancés doucement suivirent le rhythme monotone.

Puis le mouvement s’accéléra, les cheveux se dénouèrent, le sang monta aux joues.

La sueur mouilla les tempes ardentes et le rire essoufflé demanda grâce aux baisers.

Allons, Auteur et vieux barde, allons !

Et, le croiriez-vous ? tous ceux qui gardaient assez d’haleine pour parler en dansant, tous ceux-là parlaient de César.

Le manteau de César, pourpre comme les nuages du soleil couchant, — le cheval de César, si fier et la tête si haute ! — L’affranchi de César, la maîtresse de César, les chiens de César !…

César, César, César !…

On n’entendait que ce mot parmi les accords douteux de la harpe et de la flûte.

Après danser, ce qu’il y a de meilleur au monde, c’est bavarder.

Que Paris soit né d’hier ou qu’il date de deux mille ans, qu’il soit habité par cent bateliers ou par un million de bourgeois, Paris parle de quelqu’un ou de quelque chose.

De César ou du manteau de César.

Des chiens de César ou de la maîtresse de César.

Suivant les siècles. César s’appelle Pierre l’Ermite, Nicolas Flamel, Marlborough, Roquelaure, Cagliostro, Napoléon, Rossini, Soulouque, ou même Taglioni.