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LES NUITS DE PARIS.

tière !… Ma femme et ma fille sont chez les aïeux… je n’ai plus que toi.

— Et moi, dit Ghella qui s’avança timide, mais heureuse.

La lumière vague de la lune éclairait son charmant sourire.

— Et toi, répéta le guerrier qui la pressa contre son cœur ; — et toi, c’est vrai, lui et toi… Mais répondez-moi, enfants insensés, pourquoi choisissez-vous cette heure de deuil pour fonder la famille future et donner le jour à des esclaves ?

— La vie est courte, frère, dit Ar-Bel ; — demain est-il à nous ?…

— Il m’aime et je l’aime, interrompit la jeune fille.

— Et puis, ajouta Thual, — ils n’ont pas de cabane… Ceux qui n’ont pas de cabane que craignent-ils ?… Ar-Bel et Ghella dormiront dans l’herbe… crois-tu que les Romains puissent faire crouler sur eux la voûte du ciel ?

Alentour, les Gaulois sourirent ; c’était là une réponse selon leur cœur.

Alarix tendit sa main au vieux batelier.

— Maintenant que je n’ai plus rien chez les Carnutes, dit-il, je redeviens Parise… Dites-moi donc vos secrets, avant même que je prononce le serment du père… Cependant, le pontife va allumer le feu des dieux… Le nom de Jules César est tombé de tes lèvres, Thual… Est-ce que Jules César a passe par Lutèce ?

— Jules César est à Lutèce, répondit le batelier.

— Alors, les Parisiens sont un peuple conquis.

L’imperturbable batelier fit rondement un signe de tête afirmatif.

Il est vrai qu’il grommela son mot favori :

— Patience ! patience !

Comme il se taisait, les voix longtemps comprimées de la foule s’élevèrent.

— Il y a une légion dans l’île, dit une vierge.