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LES NUITS DE PARIS.

nant, — tu te trompes, roi[1], ce n’est pas moi qui ai tué Arrhéda… ce nest pas moi, je te le jure !

Alarix se tourna vers les Parisiens qui écoutaient, stupéfaits et curieux.

— Frères, dit-il, cet homme vient de prononcer le nom de la femme que j’avais choisie au pays des Carnutes… Arrhéda était pure comme la lumière du matin… Arrhéda était belle comme le sourire heureux… elle m’aimait… je l’adorais… cet homme l’a tuée.

Les Parisiens poussèrent un cri d’horreur.

— Non… non… balbutiait Corvinus ; — ce n’est pas moi !… ce n’est pas moi !

Alarix jeta sur lui un regard de suprême dédain.

Il éprouva du doigt le fil de sa hache.

Thual monta les degrés de l’autel.

— L’heure n’est pas venue, prononça-t-il à voix basse.

— L’heure est toujours venue de punir et de se venger, répondit Alarix ; — cet homme est à moi ; je le donne à ma hache !

Thual se haussa sur la pointe de ses pieds et prononça quelques mots à l’oreille du guerrier.

Celui-ci le regarda avec étonnement.

— Va-t’en ! dit-il ensuite au centarque, qui se hâta d’obéir.

On entendit ses pas lourds s’éloigner dans la coulée.

Sur un signe de Thual, un jeune garçon le suivit pour qu’il ne pût se glisser sur la lisière de la forêt et épier ce qui allait se passer.

Alarix enleva alors son frère dans ses bras et le baisa comme il eut fait d’un enfant.

— Ô mon fils et mon frère ! dit-il ; — Ar-Bel ! ma famille en

  1. Le titre de rex était prodigué à toute occasion, dans les derniers âges de la république romaine.