Page:Féval - Les Nuits de Paris - 1880, volumes 1 et 2.djvu/107

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
11
LES NUITS DE PARIS.

Thual lui secoua la main.

— Maintenant, dit Corvinus : — à ta besogne, prêtre !… — Marions ces deux enfants… après quoi, je les emmènerai dans ma maison, car j’ai besoin de deux esclaves.

Un mouvement s’était fait dans la foule qui se taisait, frémissante, alentour.

Un bomme venait de fendre les rangs silencieux.

Cet homme portait l’armure des guerriers gaulois, et par-dessus l’armure une peau de bête fauve flottante.

Il était grand, et sa tête fière dépassait tous ces fronts vulgaires.

Au moment où le centarque mettait le pied sur les marches de l’autel, cet homme se plaça, droit et tête levée, entre lui et le prêtre.

Il avait les bras croisés sur sa poitrine. — La lune, qui se levait derrière les forêts meldes, argentait l’or bruni de sa longue chevelure.

Il portait la hache à long manche et les minces javelines des Carnutes.

Corvinus ne l’eût pas plutôt aperçu qu’il recula, les bras étendus, comme s’il eût été en présence d’un fantôme.

En même temps Ar-Bel, s’échappant des mains de Thual, s’élança vers le nouvel arrivant, ivre de joie et criant d’une voix affolée :

— Alarix ! Alarix, mon frère !

Ce fut dans la foule comme une secousse électrique.

D’échos en échos, le nom d’Alarix se plongea comme un tonnerre dans la forêt profonde.

— Romain ! dit le guerrier qui repoussa les caresses de son jeune frère, — tu as menti, tu n’as point tué Alarix… Tu ne sais tuer que les femmes…

— Non… non… s’écria le centarque, qui tremblait mainte