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LES NUITS DE PARIS.

II

Quelle était donc la magique influence de ce mot prononcé par le centarque :

Citoyen romain !

Que ce mot résonnât comme le tonnerre aux bords du Tibre, sur les rives de la Méditerranée, ou même aux plages africaines, esclaves depuis des siècles, rien de plus simple.

Mais au cœur des Gaules libres et guerrières !

Mais au pays de Brcnnus, le conquérant fatal qui avait dit, sous les murs mêmes du Capitule : Malheur aux vaincus !

Mais dans les vierges forêts de la Celtique, pourquoi ce mot paralysait-il tous les bras et réduisait-il toutes les lèvres au silence ?

C’est qu’il y avait un camp romain dans Lutèce, l’île sacrée des Parisiens ; c’est qu’il y avait un camp romain aux collines lucotitiennes (Arcueil et Montrouge).

C’est que Jules César dormait depuis deux semaines dans la citadelle de troncs d’arbres qui servait de palais au chef des Parisiens.

Au lieu même où dormit plus tard Charlemagne.

Singulière destinée que celle de cette reine des cités, qui abrita, ne fût-ce qu’un jour, tous les demi-dieux de l’histoire !

Jules César, vainqueur, mais incessamment harcelé par les vaincus, avait choisi cette position centrale, afin de dominer géographiquement les Belges du nord, les Narbonnais du midi, les Celtes du centre — Ses légions, échelonnées dans les Gaules, tenaient péniblement leurs positions ; lui se trouvait à l’abri dans cette forteresse naturelle appartenant au plus faible des peuples gaulois, à un peuple qui par lui-même ne pouvait opposer aucune résistance.

Ce que nous venons de dire date notre histoire.