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LES NUITS DE PARIS.

et portant sur son front, un peu écrasé, une forêt de cheveux grisonnants.

Il avait à la main l’aviron à spatule des bateliers parisiens.

En s’avançant il sourit à sa fille comme un brave homme qu’il était.

— Où est Alarix le guerrier ? répéta le prêtre.

— Alarix, mon frère, répondit Ar-Bel, — a épousé une femme du pays des Carnutes (Chartres), il fait la guerre aux soldats de César… Quand j’ai été le visiter avant les vendanges, il m’a montré son coffre de bois de cèdre, où il y a douze têtes embaumées.

Il y eût un murmure d’admiration dans l’assemblée.

— Alarix ! Alarix ! répétait-on à la ronde ; — Alarix est un grand guerrier !

— Oui, Alarix est un grand guerrier ! s’écria Ar-Bel qui redressa sa jeune tête enorgueillie, douze têtes de légionnaires !… je les ai vues… toutes tranchées au ras des épaules… cinq têtes de hastaires… trois têtes de triaires… quatre têtes de princes… Oui, oui, mon frère Alarix est un grand guerrier.

Et la petite Ghella, toute rose de vanité amoureuse, répéta gravement :

— Oui, oui, son frère Alarix est un grand guerrier !

— Et cependant, dit le prêtre, tout grand guerrier qu’il est, Alarix est absent… il ne peut jurer le serment du père.

— Bah ! fit l’honnête Thual ; — s’il vous plaît, pontife, je jurerai pour deux… mais la nuit vient… ces vierges veulent danser et moi je veux boire… Dépêchons !

Le prêtre hésitait.

— Plaise aux dieux, dit Ar-Bel dont le regard se chargeait maintenant de tristesse. — plaise aux dieux que je revoie jamais Alarix mon frère !… Il y a trois légions maintenant entre les Carnutes et les Sénones…

— Enfant ! interrompit le batelier Thual, — si je te donne ma