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— Nous sommes tous menacés, » répondit M. Bruneau rouvrant avec lenteur son œil qui n’avait plus de rayons.

Puis, baissant la voix :

« Avez-vous parfois croisé dans l’escalier M. Lecoq votre voisin ?

— Parbleu ! » fit Etienne qui haussa les épaules.

Le Normand poursuivit en s’adressant à Maurice, dont les sourcils se fronçaient :

« Ne vous fâchez pas, mon jeune maître : je voulais vous prouver que vous êtes vous-même dans le drame.

— Est-ce que M. Lecoq ?… commença Maurice.

— Vous savez bien, interrompit M. Bruneau, que dans tout paradis il faut le serpent.

— Le traître ! s’écria joyeusement Étienne. C’est toujours le diable, déguisé en cocher, qui conduit le vieux fiacre du mélodrame ! »

Car tout le monde l’insulte, ce bon mélodrame, même ceux qui le cultivent ! même ceux qui voudraient en vivre et qui ne peuvent !

« Un homme habile, ce M. Lecoq ! dit le Normand comme s’il se fût parlé à lui-même. Il jouerait supérieurement chez nous le rôle de Satan-cocher. »

Depuis un instant, il avait à la main sa grosse montre. Il ouvrit la main et consulta le cadran.

« Il y a, dit-il lentement et d’un ton de grave émotion, un homme qui se jetterait à l’eau, tête première, avec une pierre au cou, pour empêcher M. Michel de se noyer. Vous êtes jeunes, vous devez avoir bon cœur. Et puis, je vous l’ai déjà laissé entendre : vous êtes vous-mêmes là dedans jusqu’aux yeux…

— Jusqu’aux yeux ! répéta-t-il pour répondre aux regards interrogateurs de Maurice et d’Étienne ; vous y êtes par vos relations de famille, par vos amitiés, par