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poste de Sartène étaient adressées à Berlin. À Berlin, un riche banquier juif manquait. Beaucoup d’argent prussien arriva.

Puis le père fit un voyage en Autriche, puis encore un voyage en Russie. Il y avait de la place dans les caves de la Merci. Ceux qui revenaient avec le Père et Toulonnais-l’Amitié entraient là et n’en sortaient plus.

En 1821, Toulonnais-l’Amitié était déjà un jeune homme, un beau et solide gaillard, hardi luron, effronté compère, amoureux de toutes les femmes, et tuant là-bas le temps comme il pouvait. Il est bien entendu que je vous ai montré tout d’un coup le dessous des cartes ; aux environs de Sartène, on était loin d’en savoir aussi long que vous. Les idées politiques qui ont fait la révolution de 1830 s’éveillaient alors dans toute l’Europe, et le souffle des sociétés secrètes de l’Italie pénétrait jusqu’en ce coin reculé. Pour tous ceux qui cherchaient des explications, le Père était un missionnaire du carbonarisme.

Ce qui le prouvait, c’était sa haine contre Sébastien Reni, des comtes Bozzo, le chef nominal du clan, lequel restait dévoué aux Bourbons. Sébastien Reni mourut au château, en cette année 1821, et sa veuve, une pieuse femme, ne pouvait tarder à le rejoindre dans la tombe, car les médecins l’avaient condamnée. Leur jeune fille, doux ange de beauté, de grâces et de bonté, avait quitté, pour leur donner des soins, le couvent de Sartène, où elle achevait son éducation.

Giovanna-Maria Reni allait avoir seize ans. Sa tante, la supérieure ces Bernardines de Sartène, l’avait élevée comme une grande dame qu’elle devait être. Elle était destinée à l’un de ses cousins de Bastia qui tenait le haut bout parmi la jeunesse insulaire. Un soir, revenant de l’église, elle fut attaquée, non loin des ruines, par