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Et Dieu soit loué, puisqu’il en est ainsi. C’est la loi, le recours et la garantie.

Ici, rien de tout cela. Des portes closes et une grille fermée entre les deux seuls témoins qui formaient l’auditoire, et l’arbitre dont le pied foulait la gorge de l’accusé. Pourtant, l’auditoire garda le silence.

C’étaient deux honnêtes cœurs : une vaillante nature et un paisible caractère, esclaves tous deux des formes acceptées, ayant vécu trente ans l’un et l’autre du droit étayé par le fait, de ce qui doit être et de ce qui est. Il ne faut pas chercher Candide l’optimiste chez les magistrats ni chez des préposés à la sûreté publique ; les uns et les autres sont forcés de connaître plus ou moins le terrible envers de nos civilisations, mais il y a des choses qui les étonnent toujours, qui les étonnent d’autant plus, qu’ils sont mieux intéressés à estimer la valeur du rempart social.

Ils étaient frappés violemment par le drame présent et par les circonstances extérieures qui l’agrandissaient dans tous les sens à la taille d’un immense événement judiciaire, mais ils étaient touchés plus profondément encore par cet autre drame lointain dans lequel ils avaient eu des rôles, et qui venait se dénouer ici avec ses deux acteurs principaux, avec les accessoires aussi de sa principale scène : le mot accessoires étant pris dans sa signification théâtrale.

La caisse Bancelle et le brassard ciselé avaient cette voix muette des objets matériels qui parle plus haut que la voix des hommes elle-même.

Dans le silence, la parole d’André Maynotte s’éleva de nouveau.

« Le présent vous a-t-il fait deviner le passé ? » demanda-t-il en s’adressant aux deux témoins.

Et comme ils hésitaient tous deux, André ajouta :