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Schwartz possédait d’immenses ressources ; l’abandon de son chef pouvait la tuer, mais non un déficit de quatre millions. Lecoq était là pour ressusciter le courage qu’il avait brisé. L’alliance était signée, un avenir nouveau s’ouvrait.

Pendant qu’un inextricable procès allait s’entamer, englobant à la fois les Habits Noirs et tous ceux que M. Lecoq voulait perdre, M. Lecoq, dominant cette obscure mêlée à des hauteurs héroïques, manœuvrait sa grande affaire politique et se réservait d’apparaître à quelque solennel instant comme le Deus ex machina.

Il est de justice qu’une certaine latitude soit accordée à quiconque plonge dans les profondeurs du gouffre social pour rendre à la civilisation un signalé service. M. Lecoq, une fois posé en audacieux chevalier errant, s’étant donné mission d’étouffer dans une terrible étreinte l’association des Habits Noirs, avait conquis évidemment ce privilège des Curtius qui ne sont point jugés selon la loi commune. Qui veut la fin veut les moyens. Pour combattre les bandits, il faut entrer dans la forêt.

Et Curtius, croyez-moi, portant l’auréole de son dévouement romanesque, est, à l’heure où il sort vainqueur de son gouffre, précisément l’homme qu’il faut pour patronner telle impossibilité qui va tourner en évidence.

Curtius avait vu le roi ; l’opinion commune riait encore de cela, mais elle s’émouvait et parlait ; Curtius avait quatre millions de plus qu’hier ; Curtius tenait dans sa main la gorge du chef d’une gigantesque maison qu’il pouvait à son gré étrangler ou relever ; Curtius planait à cent coudées au-dessus de son dangereux passé, et le jeune duc, au profil bourbonien, arrivant sous son aile, muni de titres capables de faire chan-