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Voilà pourquoi M. Lecoq parlait beaucoup, comme tous ceux qui éprouvent un grand trouble.

Et voilà pourquoi, tandis qu’il parlait, sa voix altérée tremblait.

Qui était cet homme ? Pour quelle lutte atroce et aveugle cet homme lui rendait-il son bras prisonnier ?

C’était peut-être un ami, car, de la part d’un ennemi, le travail accompli par Trois-Pattes eût été un acte de pure folie. Mais ce n’est pas la philosophie de tout le monde qui guide les gens comme M. Lecoq, et dans le doute ils ne s’abstiennent pas.

D’ailleurs, un éclair venait de luire à l’esprit de M. Lecoq. Il y a des fantômes qu’on voit partout, et, parmi ces ténèbres épaisses, le fantôme d’André Maynotte avait ébloui les yeux de Toulonnais-l’Amitié.

Trois-Pattes, sentant toujours à ses reins la pression de cette main robuste, ne devinait peut-être pas. Il toussa encore, comme s’il eût voulu souligner le dernier aveu, puis il dit :

« Patron, donnez pour boire, la besogne est achevée ! »

L’ancien commissaire de police et le magistrat entendirent en effet le son métallique du brassard, qui grinça en s’ouvrant.

Puis, tout de suite après, une voix étranglée par la rage, cria :

« Tiens ! voici pour boire ! »

Malgré la promesse qu’ils avaient faite, les deux témoins de cette scène s’élancèrent vers la porte de la grille et tentèrent de l’ouvrir. Ils avaient vu, non point avec leurs yeux aveuglés par la nuit, mais avec leur instinct, aiguisé par la longue attente, ils avaient vu Lecoq, profitant de sa délivrance pour poignarder André Maynotte.