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Mon Dieu ! mon Dieu ! elle s’assit défaillante sur la dernière marche de l’escalier.

Personne n’était là pour épier cette étrange maladie. Il y avait eu sans doute des précautions prises. Elle ne rencontra ni Domergue, l’inévitable, ni Mme Sicard qui, d’ordinaire, était partout où on ne la voulait point. Les bruits du bal venaient jusque dans ces escaliers et ces corridors, discrètement éclairés. Julie avait peur, et ces accords lointains lui serraient la poitrine.

Vous souvient-il de la clairière dans le grand bois de Bourguebus ? Le ruisseau invisible chantait, les oiseaux riaient, le vent répandait dans les cimes de larges murmures. Et l’atmosphère tiède était pleine de langueurs embaumées.

Julie revit cela : son mari, son amant, ce martyr, ce noble jeune homme ; elle le vit. Le soleil, tamisé par les feuilles, jouait dans les boucles noires qui couronnaient son beau front. Oh ! certes, en ce temps-là, elle l’aimait de tout son cœur. Ce n’était pas assez. Son cœur avait grandi.

Il était là, à quelques pas d’elle ; pourquoi tarder ? pourquoi perdre une minute ? Elle se leva brusquement et marcha d’un pas rapide vers la porte de sa chambre. La porte était entrouverte. Avant de la pousser, ses deux mains froides étreignirent la brûlure de son front.

Elle entra enfin, mais un voile était sur son regard. Ses yeux incertains firent le tour de sa chambre, qui lui sembla déserte.

Tout à coup, un cri s’étrangla dans sa gorge. Elle venait d’apercevoir, presque au ras du sol et non loin de la porte qui conduisait aux appartements de Blanche, une tête bizarre et bien connue, un masque glacé, immobile, effrayant, au milieu d’une forêt de poils hir-