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IX

Amour qui expie.


Ce beau Michel aurait été soucieux si Edmée Leber, pétillante de bonheur, ne l’eût enveloppé dans les mille rets de sa joie. Nous vous l’avions bien dit que celle-là savait sourire. Ce soir, vous eussiez juré que ses beaux yeux jamais n’avaient pleuré. Elle retenait Michel qui avait conscience de son inutilité en ces heures difficiles et qui s’en indignait ; elle enlaçait notre pauvre héros, condamné à sentir tout autour de lui les soubresauts du roman dont il était le centre ; elle le charmait, frémissant qu’il était et possédé par le généreux désir de combattre : elle lui faisait oublier le temps.

Quelqu’un avait dit à Edmée : Il ne faut pas que Michel bouge !

Mais s’il ne faisait rien, on s’occupait de lui. Je ne sais si les indiscrétions du puissant Domergue, parties de l’antichambre, avaient monté jusqu’au salon ou si quelque autre origine devait être attribuée aux bruits qui couraient, mais il est certain que tout le monde cherchait une ressemblance entre la mâle beauté de Michel et la figure de belette engraissée de M. le baron Schwartz. Il n’y avait pas à s’y méprendre : c’était le jour et la nuit ; mais la nuit est sœur du jour et « l’air de famille » sautait aux yeux.

Ce grand et noble garçon était fils d’un péché de jeunesse. On se souvenait de ses prodigalités d’un instant et du rang qu’il avait tenu parmi l’adolescence dorée. Sa disgrâce elle-même avait physionomie de châtiment