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prison me rendait folle, et c’était lui, si tendre, si dévoué, si généreux, qui avait exalté en moi cette épouvante.

« J’étais seule ; je pensais être seule, mais une influence invisible m’entourait et me poussait. Ce mariage me sembla une barrière entre moi et l’objet de mes terreurs. J’entrai dans cette union comme en un asile, et j’y trouvai, sinon le bonheur, du moins une sorte de repos, jusqu’au jour où la découverte des lettres d’André m’éveilla terriblement.

« Je vous ai résumé le contenu de ces lettres qui sont en ce moment peut-être au pouvoir de notre ennemi mortel. Chacun de vous deux, ce matin, m’a apporté sa mauvaise nouvelle, comme si toutes les heures de tous les jours devaient grossir le faisceau des menaces qui barrent ma route : Maurice m’a appris l’enlèvement de la cassette, Edmée le vol du brassard. Les deux coups partent de la même main. Tout ce que j’ai fait depuis dix-sept ans est inutile. La loi est à ma porte, comme au lendemain du jour où, pour la première fois, le malheur nous frappa.

« Mais les choses ont bien changé, mes enfants : je n’ai plus peur.

« S’il y a encore du froid dans mes veines, c’est à la pensée de ma fille. Pour ce qui est de moi, je suis résignée, et je suis prête… »

Le cœur d’Edmée parlait dans ses beaux yeux mouillés de larmes. Elle prit la main de la baronne et l’effleura de ses lèvres.

Maurice dit :

« Mon père s’est trompé comme tant d’autres au début de cette infernale affaire. Mon père est un homme intègre et bon. Si j’allais vers mon père ? »

Le regard triste et résolu de la baronne l’arrêta.

« Il ne nous est pas même permis de nous défendre,