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— Sophie, je n’aime pas les rassemblements, il y a des gens trop maladroits.

— Ou trop adroits !

— Allez la musique ! »

Le char passa, haut comme une de ces glorieuses charretées de foin qui sont l’orgueil de la Normandie. Les cordons étaient tenus par des personnages connus et respectables : M. Élysée Léotard, le philanthrope européen ; M. Cotentin de la Lourdeville, dont le nom, chez nous, peut se passer d’une laudative épithète ; le savant et bien-aimé docteur Lunat ; et Savinien Larcin, jeune encore, mais déjà si haut placé dans les lettres !

Derrière le char, quelques sénateurs des pompes funèbres, tous anciens vaudevillistes, avaient revêtu l’imposant costume de l’institution et remplissaient ce rôle de pleureuses dont l’origine se perd dans la nuit des cérémonies antiques.

Puis c’était la voiture du clergé, puis un groupe de six personnes, à pied, en grand deuil, parmi lesquelles nous eussions reconnu M. Lecoq et toutes les figures que nous vîmes pour la première fois autour du lit de mort du colonel.

Derrière encore, un long et large cortège où toutes les classes de la société étaient représentées, et qui allait dans le recueillement. MM. Cocotte et Piquepuce étaient là ; aussi le père Rabot, concierge de la maison du bon Dieu, aussi beaucoup des habitués de l’estaminet de l’Épi-Scié. Échalot s’y trouvait, portant sur son visage les traces d’une vie agitée et Saladin sous son bras ; on y remarquait Similor, supérieur aux circonstances et déjà remis des secousses de sa nuit.

Derrière enfin, entre deux haies de soldats, une immense file d’équipages lentement roulait, terminée,