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n’avait pas confiance dans le métier d’homme de lettres. Il avait dirigé son fils vers l’étude du droit, puis vers le commerce : deux carrières assurément plus unies, sinon mieux fréquentées. Ce fou d’Étienne jeûnait volontairement pour n’être ni marchand ni robin.

Maurice avait pour père l’ancien commissaire de police de la place des Acacias, probe et zélé fonctionnaire qui était parvenu au grade de chef de division. Le baron, il faut lui rendre cette justice, était le bienfaiteur universel des Schwartz. Maurice avait obtenu une place dans la maison du baron. Les familiers du salon Schwartz ne l’aimaient pas, et surprirent avec joie les premiers symptômes de l’émotion partagée entre lui, tout jeune, et Blanche, presque enfant. Cet amour et son goût pour les lettres devaient le pousser tôt ou tard hors de la maison.

Ce fou de Maurice jeûnait donc aussi par sa faute, par sa double faute : l’amour et la poésie.

Étienne et lui jeûnaient de reste assez bien, quoiqu’il y eût dans leur abstinence encore plus d’obstination que de réalité. Il faut ajouter que, dès qu’ils ne jeûnaient plus, ils faisaient bombance.

Étienne Roland était un garçon de quelque esprit et de passable éducation, un peu gâté déjà par la maladie morale des pays de Bohême, et d’excellente humeur : ce qui suffit amplement pour constituer la noire étoffe d’un dramaturge. Il admirait passionnément mesdames les actrices du boulevard, et ses amis ne pensaient point qu’il eût, au fond, d’autre vocation bien déterminée.

Maurice Schwartz adorait sa cousine Blanche d’autant plus ardemment qu’il était exilé loin d’elle. Il détestait M. Lecoq, ce vampire, comme il l’appelait, et cherchait un moyen de le tuer, un moyen honnête.