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Similor approuva cette exclamation, qui lui rappelait plus d’un cinquième acte. La conscience qu’il avait de ses moyens le mettait en belle humeur.

« Il y a un Être suprême pour le vulgaire, dit-il, ça ne fait pas de doute, mais celui qui a de l’atout sait se mettre au-dessus par son audace. L’honnêteté, c’est des bêtises ; on s’y laisse pourrir toute sa vie dans le besoin. Si on n’avait pas eu la faiblesse de tenir à l’honneur dans le principe, je n’aurais pas manqué les diverses occasions et je pourrais chasser au loin l’indigence qui nous oppose de faire des affaires ; car, si tu es pauvre, on aura l’injustice de te mépriser, dans l’ordre social ; au contraire, que si tu t’es procuré l’aisance par des infidélités, le quartier t’ôtera son chapeau. Est-ce vrai ?

— C’est vrai ! » fit Échalot qui pêchait sous le lit des petites loques impossibles à décrire et qui les mettait en tas.

Similor avait sa pose d’orateur. Il ne ressemblait pas à l’archange déchu, haranguant le lieutenant de son infernale cohorte, mais le naïf orgueil des révoltés éclairait son front bas et faisait cligner ses yeux malades. Il y avait sur sa pauvre figure hétéroclite de l’esprit, un peu de ce leste esprit parisien, gaieté vive et native que le flux montant des stupidités enseignées ne peut pas entièrement noyer. Similor n’était pas du peuple : le peuple travaille ; il appartenait à ces vagues catégories dont le dangereux et burlesque ensemble se désigne sous le nom de « la bohème » : une maladie de peau qui démange la grande ville et que des poètes charmants ont chantée. Je vous préviens qu’un dénombrement de la bohème, établi avec soin, épouvanterait Paris. Qu’elle soit vernie ou crottée, politique, financière, littéraire, artistique, philosophique, religieuse,