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n’en peut plus ; convenez cependant que ces rudes plaisanteries, si chères à nos aïeux, criaient à plein gosier leur origine sylvestre. Les faunes restent, longtemps après le bois coupé. Mercure, critique ou chroniqueur, saurait dire encore, le malin compère, les fourrés propices où, malgré les puissantes trouées, œuvre de nos édiles, Sémélé, duchesse ou grisette, ferme son ombrelle pour ne pas perdre une goutte de l’averse dorée.

Ils ont beau faire, nos édiles ! Est in secessu longo locus… Les boulevards, il est vrai, vont et viennent, faisant de notre forêt le plus merveilleux pays de chasse qui soit au monde. Chasseurs et gibiers s’y courent mutuellement sous la loyale lumière du gaz. Mais il y a encore, il y aura toujours des halliers, des ravins et des cavernes pour les pauvres gens qui ont des raisons légitimes de n’aimer point le grand jour. Il faut, dit le proverbe, que tout le monde vive.

Existe-il encore des vieillards à qui l’on puisse parler du Paris d’il y a vingt ans, sans s’exposer aux sourires qui accueillent les récits de l’autre monde ?

Il y avait, en 1842, une ruelle commençant au faubourg Saint-Martin et courant tortueusement, à travers une sorte de banlieue, jusqu’à l’endroit où Pasdeloup enseigne au peuple les extases de la grande musique, vers l’angle de la rue Ménilmontant : plus d’un kilomètre ; la partie du boulevard qui s’ouvre maintenant pour laisser voir la blanche rotonde du Cirque Napoléon, s’appelait alors la Galiote ; c’était une succursale des barrières. À partir de ce point jusqu’à la place de la Bastille, le boulevard, bordé d’un seul côté par des échoppes, alignait, de l’autre, une étroite promenade humide et triste, dominant la rue Amelot. Les messageries aquatiques et terrestres qui avaient baptisé « la Galiote » n’existaient plus, mais,