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qui doit sortir de ces vierges forêts écrase l’imagination,

Tout exigu qu’il est de nos jours, et si mince que, du haut des buttes Montmartre, un regard myope l’enveloppe aisément, Paris peut passer pour une jolie ville. Il le sait. Le Parisien est fier de lui-même comme l’Esquimau et le Samoyède s’enorgueillissent de leur rang dans l’échelle des peuples. Il soudoie un grand nombre d’écrivains, chargés sans cesse de lui dire qu’il a seul de l’esprit, de l’honneur et de la beauté. Il est reconnu que, dans Paris, tout homme tenant une plume peut gagner paisiblement sa vie en écrivant chaque matin cette phrase : les Parisiennes sont les plus élégantes femmes du globe ; à Londres, il est vrai, on dit cela des Anglaises, à Berlin des Prussiennes, à la Haye des Hollandaises. Je connais assez la littérature courante du Cèleste-Empire pour affirmer qu’à Pékin, les mandarines ne lisent point les livres qui omettent de célébrer l’infirmité de leurs pieds. Paris, à cet égard, est partout.

Mais partout n’est pas Paris. Quand mon vil intérêt ne serait point de le proclamer pour glaner çà et là quelques lectrices, il faudrait bien reconnaître que tous les pays de l’univers viennent chercher Paris à Paris. Les autres capitales se vantent ; Paris ne fait que se rendre justice. Il est Paris, il s’amuse de tout et tout s’amuse chez lui, même la scolastique qui ne sait ailleurs que moisir. Je ne voudrais pas calomnier ces vénérables druides et ces solennelles prêtresses qui habitaient avant nous les boulevards et les quais, mais l’air de Paris contient le gaz gaudriolique en dissolution, et déjà, du temps de la forêt, on y devait rire.

Non, ce ne fut point chez nous, dans la futaie Saint-Honoré ou dans les taillis d’Antin que se passèrent les