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cou. La comtesse Corona est l’héritière du colonel. Je ne veux pas vous énumérer ici les talents de cette charmante femme. Tout cela est grave. Et tout cela n’est rien. André Maynotte est à Paris.

— Ah !… » fit la baronne en un cri involontaire.

M. Schwartz la regarda. Une angoisse nouvelle faisait diversion à sa détresse.

La plume devint immobile entre les doigts de l’estropié.

« André Maynotte se porte comme un charme, poursuivit Lecoq, dont l’effronterie laissait percer une nuance d’embarras. Voilà le danger principal, le vrai danger, car André Maynotte est un scélérat.

— Vous mentez ! » interrompit la baronne d’une voix nette.

À ce mot, Trois-Pattes tressaillit de la tête aux pieds comme s’il eût reçu la décharge d’une pile voltaïque.

M. Lecoq s’inclina, remerciant avec ironie.

« Nul n’insultera devant moi André Maynotte, » dit la baronne, dont la noble taille s’était redressée.

Le baron balbutia dans l’excès de sa misère :

« Vous êtes donc toujours la femme de ce condamné !

— Oui, répondit-elle sans hésiter ; dans mon cœur, toujours ! »

L’estropié prit à deux mains sa tête chevelue.

« L’idée ne m’était jamais venue de me brûler la cervelle ! » pensa tout haut le baron dont les yeux s’égaraient.

L’effet, médité par Lecoq, se produisait avec une effrayante violence. Le baron chancelait sous le choc trop brutal. Un grand éblouissement passait devant cet esprit formaliste et froid, habitué à des calculs, non pas précisément vulgaires, mais ne sortant jamais de ce