Page:Féval - Les Habits noirs, 1863, Tome II.djvu/19

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

manque. Si tu savais seulement ce que tu dis et ce que tu fais…

— Blanche ! chanta Maurice. Que de temps perdu ! Pour arriver jusqu’à toi, il faut que mon front soit coiffé de l’auréole…

— Sur l’oreille, en tapageur ! gronda Étienne un peu à bout de patience. Je ferai mon affaire tout seul, vois-tu, petit, pour le théâtre de la Gaîté, avec Francisque aîné, Delaistre et Mme Abit. Tu es un dissolvant. Les meilleures choses fondent dès que tu les touches.

— Je songeais justement à fonder une machine, interrompit Maurice très sérieusement.

— Je dis fondre et non pas fonder… Il y a toute une réforme à faire dans notre triste langue ! Elle économise les temps des verbes, ce qui favorise lâchement le calembour…

— Voilà longtemps que j’ai le plan d’une grammaire nouvelle…

— Qu’est-ce que tu voulais fonder ?

— Un journal.

— J’en suis !

— Mais la grammaire n’est rien… C’est avec un bon dictionnaire qu’on gagnerait des sommes folles !

— Faisons le dictionnaire, je veux bien !

— Que dirais-tu, toi, d’une histoire de France par ordre alphabétique ?

— Ma foi… à vue de nez…

— Mais je veux d’abord éditer mon Livre d’or de la beauté avec miniatures à la main dans le texte… mille écus l’exemplaire… Suppose seulement une clientèle de cinq cents femmes à la mode, duchesses ou coquines, et compte ! trois millions de recette !

— Je mêle ! ça me va !