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donné le mot de la Camorra. Il est là, à table, avec les antres. Si vous voulez voir, voyez. »

La jeune femme s’approcha de la porte de droite et mit son œil à la serrure ; pour mieux regarder, elle avait relevé son voile. Quand elle se redressa, la lampe éclaira un visage d’une singulière beauté : une tête pâle et fine, énergiquement sculptée, malgré la gracieuse délicatesse de ses contours. Il y avait là vingt-cinq ans d’âge, à peu près, marqués par le plaisir ou la douleur, dont les stigmates se ressemblent. Le trait principal de cette physionomie était le regard puissant, hardi, dominateur, que lançaient deux yeux énormes, sous la netteté sculpturale de l’arcade sourcilière. Mais ce regard lui-même parlait de fatigue et de souffrance.

À la place où nous sommes, dans le vaste escalier désert, nous vîmes une fois déjà ces yeux trop grands qui étincelaient sous une chevelure d’enfant, ébouriffée autour d’un front large comme le front qu’il faudrait à une reine. L’enfant riait alors, et un gros bouquet de fleurs mouillées, projectile insolent, partit de sa main pour frapper M. Lecoq au visage.

M. Lecoq qu’elle menaçait de faire chasser comme un laquais.

C’étaient deux ennemis déclarés, alors, M. Lecoq et cette espiègle fillette, capable de faire tête à un bandit. Depuis le temps, y avait-il eu bataille ?

La jeune femme resta un instant pensive auprès de la porte qui la séparait du festin. Son visage exprimait un froid mépris avec une tristesse morne. Elle se retourna et traversa le carré sans rabattre son voile.

« Ouvrez ! » ordonna-t-elle.

Aussitôt, le vieux valet introduisit dans la serrure de la porte de gauche une clef qu’il choisit dans son trous-