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mand, Trois-Pattes et sa comtesse. Que fait celle-là dans cette intrigue avec de pareils associés ? Voilà où je jette ma langue aux chiens ! Mais elle est leur complice, je l’affirme, et c’est elle-même qui a failli me faire tomber dans le piège. Pourquoi ? Je plaide une cause et il faut tout dire : dans cette charmante femme-là, il y a un peu de Mme Putiphar… Elle sait que je t’aime ; veut-elle se venger ? Hier, je lui avais révélé l’asile où je reste confiné depuis le lever du soleil jusqu’à son coucher, et pour cause. La nuit dernière, j’ai reçu un message de M. Lecoq qui me disait : « Vous serez arrêté à la première heure. » Et, en effet, à la première heure, à peine avais-je pris ma volée, que le logis était cerné par les recors. Et ce gnome de Trois-Pattes, passant là justement dans son fantastique équipage, a parlé aux alguazils : je l’ai vu ! Le message de M. Lecoq me donnait un rendez-vous ; j’y ai couru. Quel malheur que ma mère ait des préventions contre lui !…

— Ah ! fit Edmée, les deux seuls cœurs qui vous aiment bien sont du même avis ! Elle et moi ! »

Michel haussa les épaules.

« Les faits parlent, dit-il. Moi, j’avoue que je crois aux faits. M. Lecoq m’a compté l’argent de ma lettre de change, principal, intérêts et frais…

— En échange de quoi ? demanda la jeune fille avec défiance.

— En échange d’un grand merci, parbleu ! Cet homme-là compte sur moi ; il m’a deviné ; il a confiance en mon avenir. Et moi aussi, mon Edmée chérie, je compte sur mon avenir ; la preuve, c’est que j’ai commencé par faire une sottise et qu’elle m’a réussi, donc la veine a tourné. J’ai du bonheur. Aussitôt que j’ai eu l’argent, une inspiration m’a poussé