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agir pour que tu aies l’occasion de bavarder. Ce qui nous manque, c’est une situation forte, sérieuse, capitale…

— Qu’est-ce que c’est qu’une situation ? demanda Maurice.

— C’est… attends un peu…

— Tu n’en sais rien !

— Si fait !… suppose Sophie éprise ardemment d’Édouard et apprenant brusquement qu’elle est sa sœur… Hein ?

— Pouah !

— Voilà une situation !

— Un coup de poing sur l’œil, alors, est une situation ?

— Bravo ! Pour la première fois de ta vie, tu comprends ! Oui, ma biche, un coup de poing sur l’œil est une situation… et une situation est un coup de poing…

— Sur l’œil… Je nie cela… Une situation est la lutte des événements contre les caractères.

— Quand l’immortel Shakspeare met en scène…

— Tu m’ennuies !

— Fais verser une voiture, à propos, adroitement, heureusement…

— Seigneur ! pitié !

— Alors, entamons une comédie, puisque tu es mordu par les caractères. On n’a pas encore mis à la scène le prix d’honneur du grand concours. Bon élève, bourré d’espérances, orgueil de ses oncles, exemple de son quartier, condamné à traduire jusqu’à son décès en pathos intime, les beautés de son fameux discours latin… »

La jolie bouche de Maurice s’ouvrit, large comme un four, en un redoutable bâillement.