Page:Féval - Les Habits noirs, 1863, Tome II.djvu/122

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qui s’est mis en tête une idée semblable n’a-t-il plus le droit, lui puissamment riche, d’éprouver un peu la jeune fille pauvre ? On ne se marie pas pour un jour.

— Raillez-vous ? demanda Edmée stupéfaite.

— Non, sur ma parole !

— Mais vous ne m’aimez donc plus, alors !

— Si fait, de tout mon cœur… sois donc raisonnable, chérie ! Je n’aime que toi, je te le jure, et je n’aimerai jamais que toi. »

Il y avait dans ce serment une si parfaite éloquence de tendresse et de vérité, je dirais plus, une absence si complète d’emphase, qu’Edmée ne put s’empêcher de sourire.

« Le reste m’est indifférent, dit-elle. Si tu m’aimes, tout est bien. Cependant…

— Cependant ? répéta notre héros qui la guettait du coin de l’œil avec une intolérable supériorité.

— Ah ! fit-elle en frappant du pied, j’ai vu des entêtements pareils dans les comédies ! Ne te rabaisse pas trop, près de moi, Michel !

— Dans Tartufe, n’est-ce pas ? le bonhomme Orgon ?… »

Et il riait placidement, notre héros.

Un rayon de colère s’était allumé dans les beaux yeux d’Edmée.

« C’est toi qui es un délicieux petit Orgon, chérie, dit Michel. Et le Tartufe, c’est ce Bruneau, qui t’a enveloppée de ses mensonges. »

Edmée, honteuse déjà de son impatience, lui tendit son front à baiser et reprit doucement, comme on fait pour écarter un sujet sur lequel on ne peut s’entendre.

« Que nous importe tout cela ? Je t’en prie, parlons de toi.

— Ce que cela nous importe ! se récria Michel, scan-