« Ma parole, reprit-il d’un ton de compassion, tu m’amuses avec tes airs de professeur… En sais-tu plus long que moi ?
— Je l’espère, mon petit.
— Où donc aurais-tu appris le métier !
— Pas à la même école que toi, voilà ce qui est authentique. Tu ne vois que la charpente…
— Et toi, tu ne vois rien du tout ! »
Étienne, après avoir ainsi parlé, poussa un cri et sauta sur ses pieds comme si sa chaise l’eût tout à coup poignardé.
« Une idée ! » s’écria-t-il en rejetant ses cheveux crépus en arrière.
Maurice fit effort pour cacher sa curiosité, mais les enfants sont toujours battus dans cette lutte, et la curiosité perça.
« Voyons l’idée ! » murmura-t-il du bout de ses lèvres, roses comme celles d’une jeune fille.
Étienne avait un air inspiré.
« Faisons que Sophie soit la sœur d’Édouard ! » prononça-t-il solennellement.
Puis, se reprenant avec impétuosité :
« Faisons mieux, car les idées bouillonnent dans ma tête. Faisons qu’Édouard soit le fils d’Olympe Verdier ?
— Olympe n’a pas l’âge, objecta Maurice.
— Laisse donc ! Vois ta tante Schwartz ! Connais-tu beaucoup de femmes de vingt-cinq ans qui soient plus jeunes que ta tante Schwartz ?… Et pourtant…
— Écoute ! l’interrompit Maurice qui prit un air profond, l’art n’est pas là, mon pauvre garçon. Tant que tu feras abstraction de l’art…
— Où le prends-tu, l’art ? rugit Étienne en colère.
— Dans la nature.